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Fantasy d'ici et d'ailleurs

La Machine de Léandre, sortie chez Walrus le 18 Septembre

12 Septembre 2014 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Publications

La Machine de Léandre, sortie chez Walrus le 18 Septembre

Sortie prévue la semaine prochaine. Présentation éditeur:

Constance Agdal est une excentrique professeure de sciences magiques qui n'aspire qu'à une chose : se consacrer entièrement à ses recherches pour oublier le passé qui la hante. Mais quand des démons se matérialisent au beau milieu de la ville, qu'un incube envahissant se prend d'affection pour elle et que son nouvel assistant agit de façon particulièrement étrange, Constance doit sortir de sa réserve... d'autant que son collègue, l'éminent Professeur Dowell, a disparu alors qu'il tentait de recréer une fabuleuse machine à magie d'après des plans vieux de plusieurs siècles. La jeune femme le remplace au pied levé en collaborant avec Philidor Magnus, un inventeur aussi séduisant qu'énigmatique, mais rien ne se passe comme prévu. Quel terrible secret se cache sous le capot de cuivre de la fameuse machine ?

Alex Evans, l'auteure de "La Chasseuse de Livres", nous entraîne à nouveau dans les cités et les laboratoires de son univers fantasmatique où la magie — autrefois prédominante — s'est dissipée jusqu'à disparaître. Mâtiné d'une touche de steampunk, de romance et de fantasy urbaine, "La Machine de Léandre" dépeint un monde riche de détails, des personnages toujours aussi attachants et une intrigue rocambolesque, avec un final qui en
surprendra plus d'un.

***

Après le début ici, voilà encore un petit extrait: toujours préoccupée par la disparition de son collègue, Simon, Constance fait la connaissance de Philidor Magnus, le séduisant inventeur qui collaborait avec lui sur le prototype d'une d'une machine à magie. Elle se rend chez lui pour voir où en est le projet:

***

C’était complètement fou. La Machine de Léandre. Celle qui manipulait le Pouvoir sans le concours de l’esprit humain. Celle qui était capable de tout produire. Non, pas tout, me repris-je. Néanmoins, c’était un début. S’il parvenait à la faire marcher. Avais-je affaire à un génie ou à un fou ? Quelle que fût la réponse, je ne voulais rater ça pour rien au monde.

J’étais à nouveau derrière Philidor sur sa motocyclette. Nous avions quitté la zone industrielle pour nous retrouver à la campagne. Nous traversâmes une forêt. Le bruit de l’engin couvrit les appels des oiseaux. Je ne tardai pas à percevoir l’aura d’une source de Pouvoir extrêmement puissante. Par-dessus l’épaule de mon pilote, j’aperçus une haute grille de fer forgé aux battants fermés. Il ne ralentit pas, mais fonça droit dessus. Je ne pus m’empêcher de pousser un cri de terreur. J’allai sauter de l’engin, et sans doute me casser quelque chose, lorsqu’il y eut un léger flux magique et les deux battants s’ouvrirent.

— Une formule que m’a donnée Simon ! cria-t-il par-dessus les vrombissements de l’engin. C’est très pratique.

Nous nous engageâmes dans l’allée principale bordée de plantes exotiques : des palmiers, des hibiscus, des frangipaniers, des orangers, des orchidées, des cactus aux longues pointes. Il faisait aussi nettement plus chaud, pensai-je. Y avait-il un autre enchantement pour garder une bulle tropicale sur ce domaine ?

Enfin, derrière les palmiers, émergea une bâtisse sombre hérissée de tourelles pointues. À l’arrière s’élevait un donjon dont le sommet crénelé était surmonté d’un gigantesque capteur carlipode. Les murs, à hauteur des yeux, étaient couverts des glyphes en Vieille Langue que je n’eus pas le temps de déchiffrer. Deux chimères flanquaient la porte. Des serpents ailés, aux corps sinueux, gardaient l’escalier. Des gargouilles en bronze surveillaient le perron du haut du mur. Mon hôte était un fondu de l’occulte.

Philidor s’arrêta dans un crissement de pneus.

— Impressionnant, n’est-ce pas ? Ce manoir ne manque jamais de produire son effet sur les visiteurs.

— Heu, oui… C’est vous qui l’avez construit ?

— Il a appartenu à Léandre l’Alchimiste. Il tombait en ruines quand je l’ai acheté. Je l’ai restauré avec quelques améliorations.

En plus de vouloir recréer sa machine, il avait racheté son manoir. Il devait vouer une grande admiration à cet homme.

— Avez-vous trouvé des artéfacts lors des travaux ?

— Absolument. J’ai découvert une salle murée. Son laboratoire, sans doute. Elle contenait encore pas mal d’objets, des talismans, quelques notes et toutes sortes d’appareils…

— C’est fascinant !

Il eut un sourire ravi.

— Vous allez voir.

Il m’aida à descendre de la motocyclette et m’entraîna en haut des marches. La porte fut ouverte par un laquais mécanique sans capot, ses rouages internes à nu, sans doute pour les ajuster plus vite. Je n’avais jamais vu une de ces petites merveilles de près. Ils étaient hors de prix. Je ne pris pas la peine de demander si c’était encore un prototype de son invention. Derrière la porte, nous nous retrouvâmes dans un vaste hall désert. La première chose que je vis fut un assemblage de pentacles, de glyphes et de symboles en argent ou en orichalque, suspendu au plafond par une chaîne.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un prototype de détecteur de Pouvoir de mon invention.

— Mais vous en avez dans le réservoir de votre machine ! Que va-t-il détecter de plus ?

— Il décèle toute onde extérieure à elle. Il n’est pas tout à fait au point. Je dois le recalibrer régulièrement.

— Mais pourquoi en avez-vous besoin ?

— D’après les notes de Léandre, il y avait une faille naturelle dans les environs, mais sa localisation exacte n’est pas précisée. Si jamais une créature magique passe à proximité, je veux pouvoir la déceler et l’observer.

Personnellement, il ne me serait pas venu à l’esprit d’habiter un endroit où l’on pouvait croiser un dragon ou même une gargouille. Je remarquai prudemment :

— Je vois que la magie vous passionne. Je pensais que ce n’était que l’un de vos nombreux intérêts.

Son visage prit une expression rêveuse :

— C’est plus que cela. Elle me fascine depuis l’enfance. Je ne regrette qu’une chose dans ma vie, c’est de ne pas la percevoir. Ce doit être une expérience extraordinaire.

Décidément, ça tournait un petit peu à l’obsession.

— J’ai même essayé toutes sortes de potions pour tenter d’acquérir le don ! continua-t-il. J’ai toujours envié les chamanes. Voir au-delà du réel, percevoir le mystique… Croyez-moi, un individu qui a cette faculté se remarque tout de suite.

Et bien il en avait raté une, me dis-je. Sans doute, n’avait-il pas fréquenté suffisamment de femmes avec le don. Mon hôte était certes fou, mais intéressant.

— Avez-vous des domestiques ?

— Avec le laquais, je n’en ai plus besoin. J’ai une femme de ménage qui vient deux fois par semaine, un traiteur qui me livre régulièrement et une blanchisseuse qui récupère mon linge. J’ai aussi découvert dans les notes de Léandre quelques menus sortilèges domestiques. Pas de recettes de cuisine, malheureusement.

— Est-ce là que vous avez trouvé les plans de sa machine ?

Philidor se dirigea vers une petite porte de chêne, sous l’escalier.

— En effet. Je vais vous montrer.

Il poussa le battant pour pénétrer dans une sorte d’atelier. Je ne pus retenir une exclamation de surprise.

Là se trouvaient des artéfacts pour lesquels un conservateur de musée aurait vendu son âme. Sous le plafond tournait une sphère céleste, éclairée par le petit soleil en son centre. Au mur était suspendu un superbe luth tourmayen, incrusté d’ivoire et de nacre. Un antique vase rituel yartègien, encore empli de son jus de naylée était posé sur l’une des étagères. J’espérai que Philidor se contentait de l’admirer. Une goutte étendait vos facultés psychiques au-delà du concevable. Ou vous tuait. À côté trônait un grand flacon de cristal empli d’un liquide épais, rouge sombre, presque noir. Il semblait animé de remous. Je me tournai vers mon hôte :

— Qu’est ce que c’est ?

— Du sang de dragon.

Je fixai le fluide avec tout le respect dû à une substance aussi mythique.

— Que pouvait-il bien en faire ?

— Qui sait ? Peut-être soulager ses articulations ? fit-il d’un ton malicieux. Ce sang avait la réputation de soigner toutes les maladies et d’empêcher le vieillissement. Alors, peut-être en prenait-il pour prolonger son existence…

Il fut interrompu par un cliquetis métallique : le laquais fit son entrée sur ses petites roues, avec une bouteille de champagne et deux coupes sur un plateau.

Il m’en tendit une et reprit :

— La légende dit qu’à la disparition du Pouvoir, il avait quatre-vingts ans, mais le visage d’un jeune homme.

Je goutai mon champagne. Comme je m’y attendais, il n’avait pas le moindre défaut.

— Je ne suis pas très forte en histoire, mais j’ai toujours cru que son nom était associé à Tourmayeur. Pourquoi avait-il une demeure ici ?

— Il s’y est réfugié après la prise de la cité par les tenants de la Voie. Ensuite, nul ne sait ce qu’il est devenu.

Je savourai une autre gorgée, tout en jetant un nouveau regard admiratif à la pièce.

À cet instant, j’eus l’impression fugace qu’il me guettait. Qu’il me jaugeait. Se pouvait-il qu’il me testait pour voir si j’avais le don, moi aussi. ? Il ignorait la regrettable tolérance que j’avais développée pour l’alcool. Ce n’était pas une coupe de champagne qui allait oblitérer mon sens spécial. Seulement l’émousser un peu.

— Agdal… vous êtes d’origine tourmayenne, n’est-ce pas ?

— En effet.

À voir mes yeux en amande et mes boucles auburn, il n’y avait aucune erreur possible. Je me tendis. Non seulement parce que cette question était généralement suivie d’un commentaire méprisant ou plein de commisération, mais parce que j’avais horreur d’en parler, tout simplement. J’avais vécu là-bas les pires moments de mon existence. Je n’avais pas envie d’en évoquer le souvenir au milieu d’une conversation polie. Mais sa réponse me prit totalement par surprise.

— Savez-vous que le premier Agdal était venu de Yartège il y a cinq cents ans, fuyant les persécutions dans son pays ? C’était un chamane, un homme immense, aussi noir que la nuit et aussi sage qu’un livre.

Ses yeux se voilèrent :

— Ses petits-enfants s’empressèrent de se convertir à la Voie et pourchassèrent les sorciers. Ainsi va le monde…

Je réalisai soudain que je ne connaissais que peu de choses du passé de ma famille ou de ma cité natale.

— Je vois que vous avez étudié l’histoire de cette ville, dis-je d’un ton neutre.

— Un peu. En fait, je me suis surtout intéressé à Léandre. Agdal fut son maître.

Avant qu’il ne se lance dans un grand exposé, je décidai de passer au sujet qui m’intéressait :

— Vous disiez que vous aviez trouvé les plans de la machine ?

Il alla prendre une chemise en carton épais dans un tiroir. Là, sur deux feuilles de papier jaunies était tracé le croquis d’un capteur primitif, d’engrenages et un circuit en orichalque dont les circonvolutions m’évoquèrent un schéma du tube digestif.

— Je vois... Et votre prototype ?

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