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Fantasy d'ici et d'ailleurs

Numérique versus papier

26 Juin 2014 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Humeur

Numérique versus papier

Vu tout ce qui s'en dit, il va quand même falloir que je mette mes deux centimes dans l'histoire. Alors, je vais radoter un peu.

Perso, la plupart des bouquins que je lis ne sont pas de la fiction. En fait, ce sont des ouvrages techniques et de plus en plus pointus, au fur et à mesure que je vieillis, bien souvent écrits en anglais et surtout, ce ne sont même pas des chapitres de livre, mais des articles scientifiques. Pour moi, un livre qu'il soit un ouvrage technique ou de la fiction est un moyen pour transmettre une série d'informations. Pour les livres d'art, mon cœur balance... Dans le cas de la fiction, ces informations sont des émotions et des idées plutôt que des chiffres! Du moment que l'information est passée de l'auteur au lecteur, peu importe le médium!

Il y a 20 ans, pour lire la plupart de mes articles/bouquins, il n'y avait qu'une option: aller dans une grande bibliothèque universitaire parisienne et lire sur place ou photocopier: au moins 1/2 journée de perdue quand votre chef voulait bien vous l'accorder. Et vous ameniez un grand sac pour transporter vos photocopies. Les gens ont la mémoire courte! Pas étonnant que la "province" ne faisait pas le poids: imaginez faire un Poitiers-Paris pour rechercher le bon article ou le bon bouquin! Parfois, vous pouviez passer commande à une bibliothécaire qui allait trouver "à peu près" ce qui vous convenait. Et si vous alliez dans une fac du 1/3 Monde et que vous y apportiez des bouquins (imaginez le poids, dans la valise, les choix à faire entre livres et matériel etc...) vous étiez accueilli comme le Messie.

Maintenant, J'ai une tablette, un mot de passe et je peux avoir l'article que je veux, dans une vallée perdue au fond de l'Auvergne. Idem si j'ai une ligne téléphonique et des sous (les sous, ça ne change pas) dans le 1/3 Monde. Et franchement, non, je ne regrette pas de ne plus avoir de tonnes de papiers à transporter et de faire des expéditions d'une demi-journée. On peut apprendre les bases théoriques de mon métier gratuitement en allant sur les bons sites. Fini les sacrosaints livres de référence. Et les manuels? Ça change complètement la façon d'apprendre et d'enseigner.

J'aime bien fouiner au hasard dans les bibliothèques et les librairies, mais je ne suis pas sensuellement attachée au papier. Et oui, on va passer au numérique comme ailleurs et oui, ça va amener des changements, un nouvel équilibre de prix et oui, ça va amener des problèmes, mais c'est la vie... Sinon, il faut carrément revenir à la machine à écrire.

D'un point de vue des quantités, je ne serais pas surprise si les livres qui se diffusent le plus rapidement sur le net ne sont pas les romans, mais les ouvrages techniques ou politiques, ceux qui ne font pas rêver, mais apportent des connaissances ou des opinions (après tout, Gutenberg a commencé par publier la Bible et les thèses de Luther). Depuis une dizaine d'années, beaucoup d'articles scientifiques de qualité dans mon domaine ne viennent pas d'équipes occidentales supersponsorisées et obsédées par l'étude de tel ou tel médicament, mais de pays "pauvres" où les gens ont encore, semble-t-il des idées originales et se posent des questions. Cependant, les ouvrages techniques diffusés sur le net ne seront pas forcément aussi intello que ça: je crois que l'une des meilleures ventes de livres, l'année dernière était un bouquin de régime!

Déjà du temps de la photocopieuse, des pays comme l'Egypte ou l'Inde étaient connus pour être l'endroit où on achetait un épais bouquin technique pour le prix d'un livre de poche chez nous. Je crois que l'Inde, en particulier, avait des lois sur la propriété industrielle assez lâches. Parfois, j'essayais d'imaginer un écrivain occidental gauchisant protester contre le photocopillage de ses oeuvres par des gens qui ne pourront jamais se payer son édition originale, mais j'étais déjà dotée d'un esprit pervers...

Enfin, ceux qui mettent en parallèle l'édition numérique et ce qui s'est passé avec la musique, oublient une chose: il y a beaucoup plus de gens qui écoutent de la musique que de gens qui lisent. À fortiori qui lisent de la littérature et de la littérature "sérieuse". Le marché est beaucoup, beaucoup plus petit. À la limite, pourquoi même apprendre à lire dans notre monde numérique avec les pictogrammes sur les tablettes tactiles, les ordinateurs parlants etc... Peut-être la littérature devra-telle revenir à l'oral des veillées!

Ce qui m'intéresse particulièrement, en ce moment, ce n'est pas tant notre monde occidental, mais comment les milliards d'asiatiques, dont nombre ne savent pas encore lire, vont prendre ce virage. À l'échelle de l'humanité, je pense que ce seront eux qui vont décider du futur de la littérature.

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A
Je ne vois pas trop de quelles craintes je prends le contre-pied! Les grands perdants de l'histoire seront bien les gens qui tirent leurs revenus des livres qu'ils soient éditeurs ou auteurs (pour les libraires, je ne sais pas...). J'aurais tendance à dire que la nature humaine étant ce qu'elle est, si les majors comme Amazon deviennent trop gourmands, il va se développer un marché parallèle plus ou moins officiel, comme c'était déjà le cas de ces fameux bouquins photocopillés en Inde ou en Egypte.<br /> L'effet positif d'internet pour moi, c'est l'accès à la connaissance pour des gens qui n'auraient jamais pu l'obtenir autrement. Je crois que la prochaine crise d'adaptation sera dans l'enseignement.
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E
Je parle surtout de la crainte des technophobes, tu as raison de faire remarquer qu'il est agréable d'accéder plus facilement à des livres alors qu'autrefois il fallait se rendre parfois physiquement à des bibliothèques éloignées pour photocopier, c'est ce que j'ai vécu pour mes recherches de mon mémoire de maîtrise.
E
J’aime bien ton article, car il prend le contre-pied de certaines craintes qu’on peut éprouver avec l’arrivée du numérique. Pour moi, le soucis n’est pas le progrès technologiques, salvateur, mais bien l’économie qui est en train de se tisser autour. Espérons que les solutions « libres » soient privilégiées.
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