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Fantasy d'ici et d'ailleurs

Un univers en 3D: se documenter sur la technologie et éviter les clichés

11 Juin 2014 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Humeur, #Trucs et astuces

Un univers en 3D: se documenter sur la technologie et éviter les clichés

Quand vous écrivez une uchronie, une dystopie ou de la SF, vous cherchez généralement à faire passer un message. Aussi, il est dommage de couler votre texte par une grosse incohérence. Certaines peuvent vous paraître mineures et relever de connaissances que peu de gens possèdent. Pour certaines, vous ne les voyez même pas. Mais qui sait? Peut-être dans vingt ans, ce seront au contraire des choses connues de tout le monde qui rendront votre livre démodé et illisible. Et surtout, la société totalitaire avec quelques résistants devient un thème si courant, qu'il en devient lui-même cliché. Alors si en plus, vous y mettez de grosses incohérences...

Un exemple criant est cette critique du film Divergente: http://odieuxconnard.wordpress.com/2014/04/25/divergente-en-alu/

Effectivement, beaucoup d'écrivains de SFF s'imaginent que les armes à feu ou les ordinateurs, ça pousse tout seul et continuera à pousser tout seul sans matière première ni énergie après une quelconque apocalypse.

Il y a 20 ans, une dystopie de ce genre aurait mis en scène un dernier groupe d'individus que j’appellerais les "Manuels": ils extrairaient les matières premières et feraient tourner les fonderies ou les usines. Ce serait le groupe le plus nombreux de la société. Bien entendu, ils finiraient par en avoir marre et se révolter, découvrant au passage qu'ils ne sont pas plus cons, lâches ou égoïstes que les autres. Mais de nos jours, qui sait ce qu'est qu'une usine ou une mine, dans notre monde occidental?

Comme quoi, difficile de sortir de son propre univers de société de consommation! Difficile de se préoccuper de vulgaires problèmes d'intendance quand on veut traiter de grandes idées, de liberté, d'oppression etc... Il y a bien eu un certain Marx qui a suggéré que c'est le mode de production des biens qui détermine en premier le mode de fonctionnement d'une société, mais je doute qu'aucun écrivain US n'ait pris la peine de lire un truc aussi ennuyeux, communiste de surcroît. Dommage, ça donnerait des dystopies bien plus cohérentes. Et oui, la culture générale et le gros bon sens, ça sert même pour des œuvres imaginaires!

L'autre jour, je lisais Le Passeur de Lois Lowry qui présente aussi une société futuriste totalitaire. L'un des points d'orgue du roman est une scène où le héros voit son père sélectionner le plus "fort" de deux jumeaux nouveaux-nés et tuer le plus faible avec une injection de poison. Scène dramatique, s'il en est. Et là, désolée, le livre a failli me tomber des mains.

OK, c'est un bouquin pour enfants. OK, je deviens peut-être un petit peu trop pinailleuse. Mais sérieusement, une société capable de produire des avions, des vidéos et un vaste système de surveillance, doit être capable de faire des échographies aux femmes enceintes et des réductions embryonnaires en début de grossesse quand il y a des jumeaux, non? Sinon, il faudrait expliquer pourquoi cette société n'a pas investi du tout dans un suivi de grossesse basique. Cela en dirait beaucoup sur la société en question et serait peut-être plus parlant qu'une scène de meurtre. Il faudrait aussi expliquer pourquoi une telle société se casserait la tête à faire vivre un bébé indésirable pendant 9 mois, avec tous les tracas et les risques de l'accouchement pour la mère et les 2 bébés que ça comporte. En effet, si vous laissez une grossesse de jumeaux se poursuivre naturellement, c'est les 2 jumeaux qui risquent d'être un peu "faibles" à la naissance. Il est beaucoup plus logique, du point de vue d'une telle société, d'éliminer un jumeau le plus tôt possible pour laisser toute la place à l'autre, voire éliminer les deux et refaire une grossesse "simple".

Au départ, je me suis dit que soit l'auteure n'avait pas réfléchi au problème, soit elle a préféré le spectaculaire "cheap" au vraisemblable, soit elle s'est dit que c'est un bouquin pour enfants et il n'y a pas besoin de faire trop vraisemblable... Et là, j'ai eu une autre idée. Sans doute, dans la tête de beaucoup de lecteurs, surtout américains, supprimer un embryon en début de grossesse est associé à l'IVG (interruption volontaire de grossesse) qui est simplement illégale dans certains états US. Du coup, évoquer quoi que ce soit qui rappelle même vaguement l'IVG, dans un livre pour enfants est impensable. Décrire une scène avec un nouveau-né euthanasié choquerait beaucoup moins les sensibilités. Ce raisonnement est fascinant en soi, mais me ferait trop dévier de mon propos.

Bref, quelle qu'ait été la motivation initiale de l'auteure, la scène tombe un peu à plat quand on y pense deux minutes. C'est le problème de nombreux romans faisant appel à des éléments un peu "scientifiques", en particuliers quand les auteurs ne les remarquent pas. Depuis les X-Men (qui ont l'excuse de remonter aux années 60), les mutations génétiques qui ne tiennent pas la route sont légions. Ça explique peut-être pourquoi le grand public a autant de mal à comprendre la vraie génétique.

En général, j'ai l'impression qu'une grande partie des erreurs qu'on trouve en SFF porte sur la reproduction humaine, au sens large, depuis la génétique (mutations invraisemblables) et jusqu'à l'accouchement (cf. l'histoire des jumeaux), en passant par la sexualité (sociétés ultra technologiques qui ignorent la contraception, en particulier s'il y a de la romance dans le récit). Problème: c'est un thème très présent qui touche à beaucoup d'autres éléments: l'identité (l'aspect physique, les "dons" qui se transmettent de génération en génération et toujours de père en fils ou de mère en fille, sans aucune variation d'intensité...), la façon dont une société se perpétue (eugénismes, orientation professionnelle etc...) et les relations entre les personnages (romance...). Bref, faire des erreurs dessus vous expose à tomber dans le cliché à grande vitesse.

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E
Je partage complètement ton avis sur le réalisme, j’ai tellement été déçu par « Divergente » au cinéma que je n’ai même pas eu envie de lire le livre, l’Odieux Connard résume bien l’étendue des dégats… C’est dommage.
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