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Fantasy d'ici et d'ailleurs

La Science-Fiction est-elle moribonde?

26 Novembre 2014 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Humeur

La Science-Fiction est-elle moribonde?

Attention, le blog déménage! à partir du 15 Octobre 2016, rendez-vous sur :

www.romansdefantasy.com

En 2007, Ridley Scott avait annoncé « Science-Fiction is dead ». Ça ne l’a pas empêché de faire « Prometheus » quelques années plus tard, mais ça a quand même relancé le débat.

J’avais moi-même laissé tomber la lecture de la SF depuis quelques années car je pensais qu’elle devenait franchement dépassée par la réalité. J’y suis revenue depuis quelques mois grâce au rayon autopublication d’Amazon. Les discussions récentes sur le forum de Cocyclics m’ont aussi poussée à tenter de faire le point.

D’abord, désolée, mais ce que je vais dire vaut surtout pour la SF anglophone. Les quelques auteurs francophones sont noyés dans la masse des traductions de l’anglais. Cette masse donne d’ailleurs une vision biaisée de ce qui se publie réellement Outre-Manche ou Outre-Atlantique. C’est un peu comme si un anglophone jugeait la littérature SFFF française à travers les rares œuvres traduites en anglais, en particulier Marc Lévy et Bernard Werber (je me demande ce qu’on leur reproche à ces deux-là : juste leur succès ?).

La question de savoir si la SF est moribonde revient régulièrement aux US depuis au moins 15 ans. Ce qui est écrit dans cet article http://www.sfwriter.com/rmdeatho.htm me semble encore largement valable : les éditeurs, en ces temps de crise, ne sont prêts à miser que sur des sujets dont les lecteurs ont l’habitude et qui vont se vendre.

D’autre part, pour les auteurs, il est facile de traiter de thèmes anciens et bien rodés : holocaustes de toute sortes, post-apo, cyberpunk, dystopie, space-op’, clonage… Il n’y a plus rien d’ « expérimental », la SF possède pratiquement ses propres canons, comme la romance. La preuve d’ailleurs, l’existence d’une classification par sous-genre qui permet au lecteur de trouver tout de suite ce qu’il aime. Comment classeriez-vous « 20 000 lieux sous les mers » parmi les étiquettes actuelles ?

L’intérêt, pour l’auteur moderne, c’est que ces thèmes servent essentiellement de décor à une intrigue souvent très classique, avec émotions, thèses morales, fantasmes sexuels, violence etc… De plus, les romans ont lourdement subi l'influence du cinéma, de la TV et plus récemment du jeu vidéo, bref, des domaines où on cherche au maximum la rentabilité, vu les sommes investies. Victime de son succès, la SF est devenue un produit commercial comme un autre.

Donc, actuellement, les thèmes de la SF sont en gros : catastrophe, post apocalyptique, cyberpunk, dystopie, space-op’, clonage et tout ça dans les couleurs les plus sombres. Plus l’ajout d’autres genres pour avoir l’intrigue, genre policier ou romance.

Or, les thèmes réellement débattus en ce moment sur le futur de l’humanité sont : changement climatique, surpopulation, migrations, épidémies (pas seulement humaines, mais du bétail et des plantes, voire des abeilles), définition de l’économie de marché, déplétion des ressources énergétiques à commencer par le pétrole.

Vous ne trouvez pas qu’il y a comme un décalage, là ?

Moi, si. Les thèmes de la SF sont en passe de devenir franchement ringards.

C’est drôle, plein d’auteurs peuvent imaginer un monde affreux où les ordinateurs auraient pris le pouvoir et feraient tout (avec quelle source d’énergie ?), mais quasiment personne ne peut s’imaginer un monde sans pétrole. C’est là qu’on voit à quel point la SF est dominée par les américains !

Bien sûr, si vous voulez camper une histoire de SF dans un monde ou le réchauffement climatique a eu lieu et où il n’y a plus de pétrole, il va falloir se documenter un minimum. Oui, lire des trucs scientifiques sérieux et abscons. Hein? Il faut lire de la science, pour écrire de la SCIENCE -Fiction? Et puis quoi encore? C'est bien moins drôle que des mutants qui se tirent dessus au pistolaser.

Certes, mais est-ce qu'une bataille au pistolaser, ça fait réfléchir? La grande fierté de la SF a été de soulever des questions sur le présent, le futur, la société, etc..., non? Or, les sujets de réflexion ont été quasiment les mêmes depuis plus de 40 ans: la violence, le totalitarisme, les grandes corporations, l'exclusion, l'egalité des sexes. Pour les romans plus "ordinaires", c'est "un individu contre le reste du monde", "le parcours du héros", "l'amour surmonte tous les obstacles" et "vive la famille" (ben oui, très américain). Certes, c'est des sujets importants, mais il y en a d'autres, non? Que diriez-vous de la survie au quotidien sans zombies ni groupuscules hostiles? Ou des familles recomposées? L'économie de marché sans corporations géantes? Ou des relations homme-travail (quoi? Non, mais ça va pas?).

Bref, si vous voulez écrire de la SF qui ne sera pas trop ringarde dans 10-20 ans, il va falloir faire des efforts et se documenter. Pire, il va falloir définir ce que vous pensez d’un monde plus chaud et sans pétrole, par exemple : sera-t-il mieux ? Pire ? Ni mieux, ni pire, mais différent ? D’ailleurs, ces thèmes commencent à faire discrètement leur apparition, non pas parmi les best-sellers anglophones traduits en français, mais dans deux secteurs très différents :

- Les livres pour enfants. Heureusement, d’ailleurs, la SF ça parle quand même d’avenir. Un exemple connu est « Lionboy » de Zizou Corner.

- Les romans auto-publiés anglophones. Oui, malgré la frilosité des lecteurs français, voire un certain snobisme « Moi, je ne lis que des romans qui sont passé par un éditeur ! » on y trouve des idées originales, voire des perles. Il y a aussi beaucoup de petits éditeurs indépendants, comme pour la SFFF française.

Enfin, nombre de ces récits ne sont pas catégorisés en SF, mais en littérature générale. Peut-être cette SF-là, ne sera plus un genre à part, qui sait?

Certes, nombre de romans sont maladroits ou développent toutes sortes de thèses qui ont plus à voir avec l’idéologie que la science. Mais au moins, ils sont sur la bonne voie !

Bref, pour continuer à faire de la Science-Fiction, pas de surprise, il faut faire des efforts et surtout regarder l'avenir, pas le passé.

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