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Fantasy d'ici et d'ailleurs

Science et pseudoscience en SFFF

10 Mars 2015 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Humeur

Science et pseudoscience en SFFF

Attention, le blog déménage! à partir du 15 Octobre 2016, rendez-vous sur :

www.romansdefantasy.com

À la suite de mon billet sur la magie, on m'a demandé ce qu'est la "pseudoscience"? C'est vrai que je ne l'avais pas définie. Alors explications. Pour moi, la "pseudoscience" était ce qui était considéré comme scientifiquement plausible jusqu'aux années 70, soit pendant l'âge d'or de la science-fiction. Cependant, de nos jours, beaucoup d'idées populaires à l'époque sont totalement invraisemblables pour peu que vous lisiez un ouvrage basique de vulgarisation scientifique. C'est ça que j'appelle de la pseudoscience. Elle constitue le gros de la SFFF moderne.

Le cas n'est pas nouveau. À l'époque où Mary Shelley écrivait "Frankenstein", où un le héros anime sa créature avec entre autre, de l'électricité, on venait juste de découvrir son existence et le fait que le corps humain y réagissait. Comme c'était une énergie mystérieuse et invisible, on spécula très sérieusement qu'il s'agissait de l'"essence vitale". On tenta réellement de ressusciter des cadavres en leur administrant un courant électrique. Le défibrillateur est le très lointain et indirect descendant de ces expériences. De nos jours, qui qualifierait Frankenstein de roman de science-fiction?

L'exemple le plus typique en SF est le space-opéra. Scientifiquement, on n'envisage plus un vaisseau spatial dépasser la vitesse de la lumière. Il faut trouver autre chose. http://en.wikipedia.org/wiki/Hyperspace_(science_fiction)

Alors imaginez: vous avez un navire qui va d'une galaxie à l'autre en l'espace de quelques heures terrestres grâce à un procédé appelé "zyltrification". De plus, il communique par radio en temps réel avec une planète située à quelques années-lumières de distance. Vous ne donnez pas l'ombre d'une explication sur la zyltrification ou le mystere de la radio, parce que vous êtes trop occupé à développer une société/démontrer vos thèses philosophiques/écrire une romance. Vous pouvez avoir écrit un très beau roman/film/BD (ex. Star Wars, les Gardiens de la galaxie, Jupiter Ascending), mais qui ne relève plus de la science, malgré tous les termes scientifiques que vous pouvez avoir inclus dedans pour la décoration. D'ailleurs, en y réfléchissant, votre intrigue n'aurait-elle pas pu fonctionner dans un décor qui ne soit pas un empire interstellaire?

Plus moderne, depuis la Guerre Froide et surtout, l'arrivée du SIDA, c'est les virus à toutes les sauces: zombies, vampires, loup-garous... Ces créatures viennent des croyances magiques. Je pense que le vernis scientifique avait été mis dans les années 60, a un moment ou le surnaturel, a fortiori les personnages surnaturels traditionnels faisaient vraiment ringard. A l'epoque, c'etait a la mode, les dieux devenaient des aliens, par exemple. Seulement ce vernis ne les rend pas plus vraisemblables oucohérents dans le monde moderne de 2015. .D'ailleurs, en avez-vous besoin?

Combien avez-vous lu/vu d'histoires où un homme mordu par un zombie se transforme presqu'immédiatement en zombie lui-même pour sauter sur son meilleur copain? Un virus agit quand même à travers toute une série de molécules biologiques du corps humain. Celles-ci n'ont pas vraiment des réactions instantanées! L'exemple le plus proche du modèle virus+humain=zombie est le virus de la rage dont l'incubation est de quelques semaines. D'ailleurs, pourquoi faut-il obligatoirement être mordu pour devenir zombie? Un peu de salive sur une écorchure ne suffit pas? Et surtout: si la transformation est immediate apres la morsure et que le virus n'est apparu que dans un seul endroit (aux Etats-Unis, typiquement) comment la maladie s'est-elle étendue aux autres continents? Les zombies ont-ils traversé les océans a la nage? Et s'ils marchent sur le fond de l'ocean, cela veut-il dire qu'ils ne flottent pas comme les cadavres?

Si on résume les caractéristiques des zombies tels qu'on les voit, on a une créature plutot grande, habillée décemment, immortelle, quasi indestructible, insensible au froid ou la chaleur. Sa force et sa vitesse sont surhumaines mais ses muscles tombent en lambeau. Elle ne dort jamais, ne mange que de la chair humaine et ne pense d'ailleurs qu'à cela. De plus, un zombie est stupide, sauf quand il s'agit d'attraper ses victimes! Il y a surtout des hommes zombies, beaucoup plus rarement des femmes zombies et, de nos jours, on ne voit ni enfants, ni bébés zombies. Vous pouvez imaginer un virus capable d'agir sur des facteurs aussi différents, vous?

De plus, il y a une contradiction entre "tomber en lambeaux" et "être indestructible". Et si votre zombie a justement les muscles de ses bras qui tombent en lambeaux, comment peut-il vous attraper? Est-il insensible à des éléments physiques tels que le froid? Son corps va-t-il geler par -10%, comme tout morceau de viande, meme pourrie? Si oui, vos humains survivants devraient tous être concentrés dans les endroits froids, comme dans Word War Z. Sinon, il va falloir expliquer pourquoi les zombies ne gèlent pas. Même chose pour les températures supérieures à 30°C et la deshydratation!

Ensuite, pourquoi vos zombies ont-ils spécifiquement besoin de manger des humains et pas d'autres mammifères? Et pourquoi pas d'autres zombies? À quel rythme votre zombie doit-il se sustenter? Y a-t-il des zombies qui deviennent obeses? S'ils avaient des problemes cardiaques avant de devenir zombies, en guerissent-ils? Meurent-ils de faim une fois que la population mondiale a été mangée? Comment fait-il sans boire? Courir après de pauvres victimes, ça consomme de l'énergie, tout de même! Bref, il va falloir se poser des questions delicates sur la biologie des zombies, leur metabolisme, leur equilibre energetique, etc... ; pour faire fonctionner nos muscles, il faut quand meme des sucres et de l'oxygene, puis eliminer les dechets, alors comment font-ils? Si vous décidez qu'ils sont faits de cellules, comme tous les organismes vivants terrestres, ils vont etre sensible aux memes facteurs: temperature, eau, oxygene, nourriture et... infections. Ben oui, ils seront sensible aux virus.

Ainsi, vous avez sué sang et eau pour créer un univers apocalyptique, sans électricité, sans pétrole, sans supermarchés, peuplé de zombies, réaliste jusqu'au moindre détail et vous avez oublié le principal: les zombies, justement!

Remplacez "zombie" par "vampire" et reposez-vous les mêmes questions. D'ailleurs, il y a cinquante ans, vos zombies auraient simplement été des aliens.

A ce propos, quelques auteurs (encore Meljan Brook, entre autres) ont reellement reflechi a la question dans leurs romans. Comme quoi, on peut! Cependant, je ne suis pas sure que ces creatures peuvent encore etre appellees zombies. Ah, les definitions...

Dernier exemple, les mutants, bien sur. Les premiers, genre Spiderman, étaient souvent les victimes de radiations. En 1962 Watson et Crick recurent le Nobel pour la decouverte de l'ADN et ce dernier devint connu du grand public. Mais dans les romans modernes, un peu de cuisine dans une agence gouvernementale top-secrete et on a un individu grandi en un temps record et supérieurement intelligent (commencez par définir l'intelligence pour voir).

Est-ce que remplacer la magie par de la pseudoscience se voit? Oui! Si vous avez de la magie, vous n'avez rien a expliquer. Si vous pretendez expliquer un element magique par de la science, il va falloir le rendre coherent avec les connaissances scientifiques en cours.

Mais on s'en fiche de mettre de la pseudoscience, me direz-vous. Le lecteur de SF moyen n'y connait rien! Pire, il y croit en cette pseudoscience, tout comme autrefois on croyait a la magie! Seriez-vous en train d'adopter l'opinion des détracteurs du genre et insister que la science-fiction, au fond, c'est pour les débiles incultes et superstitieux?

L'autre probleme est amha, commercial (je m'excuse de ce gros mot). Si vous écrivez une énieme histoire de mutant/zombie/vampire pseudoscientifique, vous aurez du mal a vous faire remarquer dans la masse d'histoires similaires. Si vous ecrivez une histoire bien documentée, vous aurez beaucoup moins de concurrence, sans compter que vous y ajouterez le fameux cachet de sérieux si important dans la littérature francaise!

Bref, la pseudoscience permet d'écrire des romans qui peuvent être sublimes, mais scientifiquement ringards. Ne vous leurrez pas, ce n'est plus vraiment de la SCIENCE-fiction. Peut-etre faut-il simplement retourner a la bonne vielle magie?

Par contre, bonne nouvelle, vous pouvez encore spéculer tant que vous voulez sur les implants (l'implant qui rend fou, y avez-vous pensé?), les nanoparticules, ou même les aliens!

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A
Je me doutais bien que quelqu'un allait protester!<br /> <br /> Justement, je n'oppose pas la science à la littérature de l'imaginaire! En fait, j'étais partie de mon billet précédent sur les systèmes de magie. J'opposerai plutot la SF qui extrapole à partir de la vraie science (pas forcément de la "hard SF"), à celle qui est restée sur des notions vieilles de 30 ans. <br /> <br /> Autant tu as des auteurs qui assument totalement les invraisemblances de leurs textes (j'ai vu des spaces opéras où les vaisseaux étaient propulsés par magie), autant d'autres me semblent avoir du mal, peut-être parce qu'ils ne réalisent pas eux-mêmes où sont les limites. Et là, je trouve que c'est embêtant de ne pas contrôler ce qu'on écrit. <br /> <br /> Pour moi, certains textes vont au-delà de la "suspension volontaire de l'incrédulité", parce que leur mélange réalité/imaginaire crée une incohérence interne dans le récit. <br /> Par exemple, je n'ai aucun problème avec des zombies ou des squelettes animés par magie. Cependant si l'auteur insiste pour que le zombie soit crée par un virus dans notre réalité de 2015, je m'attends à ce que la créature soit soumise aux lois de la physique, comme tout le monde. Par exemple, un zombie ne peut plier le bras si son biceps est tombé en morceaux. Il suivra aussi les lois de la conservation de l’energie : s’il n’a rien a manger, il s’arrette de fonctionner. Sinon, quel est l'intérêt de préciser que le zombie a été crée par un virus, plutôt que par magie ou des aliens? Pourquoi l'auteur a-t-il fait ce choix? Peut-être que justement, il n'assume pas le coté surnaturel de ses zombies?<br /> En tant qu’auteur, je trouve que faire des zombies réalistes fait justement partie de l'intérêt d'écrire ces histoires et c'est bien ce que font certains auteurs).<br /> <br /> A ce niveau, je ne sais s’il s’agit vraiment d’une suspension volontaire de l'incrédulité ou d’une simple ignorance, aussi bien de la part des auteurs que de celle de nombre de lecteurs. Dans un pays comme les US, où tant de gens croient que le monde a ete cree en 7 jours, voire que la terre est plate, ce n’est pas impossible!
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E
Pour une fois, je ne suis pas du tout d’accord avec toi (tant mieux, ça nous donne l’occasion de discuter sur un sujet passionnant, hihi). Tu opposes la science au sens strict, à la littérature de l’imaginaire, qui exige toujours a minima une suspension consentie de l’incrédulité.<br /> <br /> Frankenstein est une histoire fantastique : au XIXe siècle, personne n’envisage sérieusement que cette histoire soit possible, en revanche elle fut jugée « plausible » car comme tu le soulignes si bien dans ton article, l’électricité, anxiogène, était le nec plus ultra de la technologie, tout comme l’horlogerie mécanique à l’époque de Descartes, ou bien les ordinateurs quantiques aujourd’hui.<br /> <br /> En ce qui concerne tes exemples de space opera, Star Wars, les Gardiens de la Galaxie, Jupiter Ascending et John Carter, la Science Fantasy est une sous-division du space opera complètement irréaliste et assumée comme telle : quand la Guerre des Etoiles sort en 1977, tout le monde sait qu’il n’y a pas de son dans l’espace, et pour cause : le grand public s’en est rendu compte dès 1968 avec la sortie de 2001. Même constat avec le steampunk : honnêtement, qui croit qu’on peut construire un robot grand comme un immeuble juste avec des engrenages en cuivre et une super chaudière pour le propulser ? C’est de la poésie, aux antipodes de la hard science de 2001 Odyssée de l’Espace d’Arthur C. Clarck. La science-fantasy, le steampunk ou les zombies c’est pour moi l’exemple même de la suspension consentie de l’incrédulité.<br /> <br /> Là où je te rejoins, c’est qu’il est aujourd’hui bien sûr impossible de parler d’écrire de la SF « pulp » façon âge d’or de la SF des années 30, et encore… Le film récent John Carter se passe sur Mars en 1912, c’est donc la planète rouge telle qu’on était censée se l’imaginer à l’époque, avec ses empires, ses hommes verts… pourtant, on sait pertinemment grâce au robot Curiosity qu’il s’agit d’une planète désolée.<br /> <br /> Au final, si je suis d’accord avec toi sur l’idée qu’on devrait toujours inventer des vampires, des zombies et des créatures plausibles et originaux pour se démarquer de beaucoup d’oeuvres commerciales, je pense cependant que le réalisme est parfois aussi un parti pris qui ne peut pas être applicable à toutes les oeuvres, ne serait-ce que parce qu’il y a des romans… surréalistes dont l’humour repose justement sur des univers improbables, à mon humble avis (l’Ecume des jours, Les annales du Disque-Monde, H2G2…). De la même façon, je ne suis pas du tout d’accord avec Kim Stanley Robinson (qui s’en remettra) : il exige rien de moins que la mort du space opera (je te conseille cet excellent article : http://www.traqueur-stellaire.net/2012/07/space-opera-doit-mourir-kim-stanley-robinson/ )<br /> <br /> Voilà, j’espère ne pas t’avoir saoulé, hihi ! Mais je trouve que si on ne devait lire que des oeuvres réalistes, l’imaginaire perdrait énormément en poésie…
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A
e me doutais bien que quelqu'un allait protester!<br /> <br /> <br /> Justement, je n'oppose pas la science à la littérature de l'imaginaire! En fait, j'étais partie de mon billet précédent sur les systèmes de magie. J'opposerai plutot la SF qui extrapole à partir de la vraie science (pas forcément de la "hard SF"), à celle qui est restée sur des notions vieilles de 30 ans. <br /> <br /> <br /> Autant tu as des auteurs qui assument totalement les invraisemblances de leurs textes (j'ai vu des spaces opéras où les vaisseaux étaient propulsés par magie), autant d'autres me semblent avoir du mal, peut-être parce qu'ils ne réalisent pas eux-mêmes où sont les limites. Et là, je trouve que c'est embêtant de ne pas contrôler ce qu'on écrit. <br /> <br /> <br /> Pour moi, certains textes vont au-delà de la "suspension volontaire de l'incrédulité", parce que leur mélange réalité/imaginaire crée une incohérence interne dans le récit. <br /> <br /> Par exemple, je n'ai aucun problème avec des zombies ou des squelettes animés par magie. Cependant si l'auteur insiste pour que le zombie soit crée par un virus dans notre réalité de 2015, je m'attends à ce que la créature soit soumise aux lois de la physique, comme tout le monde. Par exemple, un zombie ne peut plier le bras si son biceps est tombé en morceaux. Il suivra aussi les lois de la conservation de l’energie : s’il n’a rien a manger, il s’arrette de fonctionner. Sinon, quel est l'intérêt de préciser que le zombie a été crée par un virus, plutôt que par magie ou des aliens? Pourquoi l'auteur a-t-il fait ce choix? Peut-être que justement, il n'assume pas le coté surnaturel de ses zombies?<br /> <br /> En tant qu’auteur, je trouve que faire des zombies réalistes fait justement partie de l'intérêt d'écrire ces histoires et c'est bien ce que font certains auteurs).<br /> <br /> <br /> A ce niveau, je ne sais s’il s’agit vraiment d’une suspension volontaire de l'incrédulité ou d’une simple ignorance, aussi bien de la part des auteurs que de celle de nombre de lecteurs. Dans un pays comme les US, où tant de gens croient que le monde a ete cree en 7 jours, voire que la terre est plate, ce n’est pas impossible!