Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Fantasy d'ici et d'ailleurs

Caractérisation 1: Les émotions et quoi d'autre?

2 Septembre 2015 , Rédigé par Alex Evans Publié dans #Trucs et astuces, #Humeur, #Caractérisation

Caractérisation 1:  Les émotions et quoi d'autre?

Attention, le blog déménage! à partir du 15 Octobre 2016, rendez-vous sur :

www.romansdefantasy.com

Savez-vous pourquoi je ne me suis attachée à aucun des persos de A song of Ice and Fire? Parce que franchement, ce ne sont pas des flèches. Pour parler comme les spécialistes de management, ils manquent de vision à long terme, ont des oeuillères et on se dit qu'ils sont la cause de la moitié au moins de leur problèmes. C'est sur qu'en tant qu'auteur, vous ne regrettez pas d'avoir à les trucider.

Lorsque j'ai lu Game of Thrones en 1999 et que je suis arrivée au passage où Ned Stark explique à la reine Cersei qu'il connait son infidélité, son inceste et que ses enfants sont illégitimes, le livre a failli me tomber des mains. À partir de là, je voyais venir l'intrigue: il allait se faire assassiner avec le roi et le reste de l'histoire serait à propos de l'un de ses enfants qui entreprendrait de le venger. Heureusement, GRRM a été plus malin que ça et le manque de cervelle de ses persos apparaît tout à fait volontaire. Voilà ce que les américains appellent un personnage "too stupid to live" (trop stupide pour vivre). Pas surprenant que cet auteur puisse les trucider par brouettes entières sans se poser de questions.

À coté, prenez le héros de Gagner la Guerre de Jaworski: il passe son temps à analyser la situation que ce soit au plan basique, l'endroit où il se trouve au cas où il devrait se chercher une échappatoire, ou la politique de l'instant et sa place dans la situation. Il observe les gens autour de lui avec précision, ce qui nous donne des descriptions au scalpel. C'est ainsi qu'il a du acquérir un grand sens de la psychologie. Vous vous dites que cet homme n'a peut-être pas une vaste culture générale, il n'est ni un scientifique, ni un mage, ni un artiste, comme beaucoup de persos de fantasy, mais qu'il est très intelligent et saura tirer le meilleur de n'importe quelle situation. Contrairement à ce qu'on a l'habitude de croire, c'est aussi le cas des personnages de barbares chez R. E. Howard: Conan est inculte et en est parfaitement conscient mais il possède un solide bon sens, peu d'à-prioris et va apprendre sur le tas au fur et à mesure de ses aventures. Cela l'oppose en général aux persos "civilisés" qu'il rencontre. Eux sont prisonniers de leur convictions et de leurs traditions.

Celà m'amène à un préjugé tenace, en fantasy, comme dans la réalité: avoir une vaste culture générale, être de noble naissance et être intelligent c'est la même chose. Malheureusement non! Pensez simplement à certains hommes politiques ayant fait de longues études... Bref, ça ne me gène pas d'avoir un sorcier instruit et idiot (il risque d'ailleurs d'être un danger public), un roi instruit et idiot etc...

L'intelligence (oui, un concept vaste et fumeux) est l'un des plus gros problème de nombre de persos de fantasy. D'ailleurs, si vous lisez les nombreux articles sur l'aide à l'écriture qui pullulent sur le Web, aucun n'en parle dans la caractérisation des personnages. Les auteurs de fantasy prennent grand soin d'insister sur leurs émotions, mais ils oublient d'y adjoindre une cervelle! Or, il en faut une pour analyser une situation et réagir de façon adaptée, surtout si vous avez choisi de mettre votre personnage dans une intrigue tordue! De plus, rares sont les persos de fantasy que vous voyez réellement tirer enseignement de leurs expériences au cours du récit. Du coup, pour les sauver des différents dangers qu'ils affrontent, vous êtes obligés de recourir au hasard ou au Deus ex Machina au lieu de les laisser s'en sortir tous seuls.

C'est ainsi qu'on se retrouve avec des protagonistes qui subissent passivement les événements, suivent les prophéties et les sorciers à barbe blanche sans se poser de question et ont les réactions d'un gamin de 10 ans ou moins. C'est aussi le cas des mentors qui envoient leurs protégés en quête sans rien leur expliquer, alors que dans la vie rien ne vaut un bon briefing bien clair, suivi d'une séance de questions. Et bien sûr, vos héroïnes ont un caractère "fort" et "rebelle", mais sans cervelle, elles apparaissent comme puériles.

Si en Science-fiction, les protagonistes ont le droit d'être intelligents (en plus, ils sont souvent des scientifiques de pointe), en Fantasy, ceux qui sont capables de tenir un raisonnement sont présentés comme des individus froids, calculateurs et en général, pas sympa. Le méchant a parfaitement le droit d'être d'une intelligence diabolique! Au contraire, les gens sympa sont émotifs et pas trop futés. Je n'ose même pas parler des héroïnes.

Bien sûr, si votre héros est un minimum intelligent, ça risque de changer sérieusement votre intrigue. Ned Stark organiserait peut-être un complot pour éliminer Cersei avant qu'elle ne trucide son mari et finirait peut-être par avoir un conflit ouvert avec ce dernier. Votre chevalier resterait à la maison au lieu de partir en quête et votre héroïne de romance tomberait amoureuse du geek, plutôt que du bellâtre musclé. Bref, celà VOUS obligerait à réfléchir aussi et vous demander ce que vous feriez réellement à sa place.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Intéressant cet article ! Mais je ne suis pas tout à fait d'accord pour Ned Stark. Plus qu'un manque d'intelligence, j'ai l'impression que c'est son sens de l'honneur exacerbé qui le rend psychorigide, et le pousse à agir de manière dangereuse (faire tuer Cersei et ses enfants en la dénonçant ne lui parait pas honorable). Même s'il sait que ce n'est pas la conduite la plus prudente à suivre, il choisit d'agir autrement. Pour moi, c'est son sens de l'honneur qui rend Ned à la fois respecté mais aussi terriblement agaçant (pour nous lecteurs, quand on a envie qu'il s'en sorte), et finalement, attachant car humain :) . Sinon il me semble que certains personnages de la saga savent agir par bon sens et en voyant sur le long terme. Asha Greyjoy par exemple, est assez futée et essaie de tirer son épingle du jeu et de sauver son peuple (même si ce n'est pas évident car elle est entourée de bourrins).Enfin dans le livre car dans la série ce personnage est différent et moins développé je trouve. Si mes souvenirs sont bons, Tyrion et Little Finger sont plutôt intelligents aussi ^^.
Répondre
A
Merci pour votre intérêt!<br /> J'ai l'impression qu'au fur et à mesure qu'il écrivait sa saga GRRM a crée des persos de plus en plus "vivants" et crédibles. Eddard, avec son sens de l'honneur apparaît encore comme un perso de fantasy qui a du mal à sortir du cliché. La suite est beaucoup mieux et difficile à prévoir.
C
Assez d'accord avec Mel en ce qui concerne le ciné ; pas d'accord avec toi pour le TdF : oui, les persos prennent des décisions stupides, mais ça fait partie de leur caractérisation : ils ont des choix difficiles à faire, ils n'ont pas toujours toutes les données en main, ils merdent. Ca les rend très humains, très "vrais", à mes yeux.
Répondre
A
Ben nous sommes d'accord alors! <br /> Ce que je veux dire c'est que GRRM a volontairement crée des personnages stupides, contrairement à d'autres auteurs (genre celles de Twiligh ou Chasseuse de la nuit) qui ont des héros qui sont présentés comme intelligents mais se comportent en dépit du bon sens. En fait, dans le cas de ces deux romans, je pense que même un perso stupide ne se comporterait pas comme elles le font. Leurs comportement manquent de consistence et de logique interne. C'est juste un cliché qui permet d'avoir un développement prévisible de l'intrigue.
D
Il y a je pense une distinction à faire entre l'intelligence et l'astuce, qui ne vont pas forcément de paire. On peut avoir un personnage aux savoirs immenses, mais qui n'aura pas d'intelligence situationnelle. Conan, que tu cites, est astucieux. Il est malin, futé mais pas intellectuel.<br /> <br /> Pour me faire l'avocat du diable et défendre Eddard Stark, ce n'est pas un problème d'intelligence mais d'honneur. Un peu comme quand certaines armées de chez nous chargeaient à découvert des archers en pensant que non, une flèche ne tue pas un chevalier, ça ne se fait pas. Ça ne suffit pas à en faire des crétins, mais ça n'en fait pas des malins...<br /> <br /> Cela dit, l'intelligence ne devrait pas être l'apanage des voleurs et des grands vilains. Par contre, des méchants cons, ça marche pas non plus.
Répondre
A
Comme je le disais, l'intelligence est un concept vaste et fumeux, mais c'est quand même très français de distinguer une intelligence "noble" d'intellectuel et une intelligence plébéienne qu'on appelerait "l'astuce". Les Anglo-saxons ne font pas ce genre de distinction. Ils distinguent plutôt entre ceux qui sont capables de tirer parti d'une situation donnée, profiter de l'expérience acquise et ceux qui sont capables d'innover et inventer une solution à laquelle personne n'a pensé avant.<br /> <br /> Pour moi, l'intelligence, c'est déjà d'être capable d'appliquer ses connaissances! Pour la Guerre de Cent Ans, Philippe-Auguste avait déjà massacré des chevaliers anglais avec des archers mercenaires gallois près de 130 ans auparavant lorsqu'il avait "récupéré"la Normandie. Donc, ça s'était déjà fait! Mais bon, peut-être que les chevaliers français n'apprenaient pas l'histoire, à l'école...<br /> Quant à Ed Stark, pour son honneur, il risque non seulement sa vie, mais celle de sa famille. Ca se concevrait dans une culture où l'honneur aurait une grande importance, mais dans l'univers où il vit, tout le monde s'en fout! En fait, son problème est qu'il sous-estime Cersei (un problème fréquent quand on est soi-même pas futé) et ne réalise pas qu'il lui en faut très peu pour prendre le pouvoir.<br /> <br /> Les méchants cons, je ne sais pas,mais les gentils cons et pleins de bonnes intentions, ça a du potentiel!
M
C'est un défaut que l'on retrouve dans pas mal de supports racontant une histoire. Le cinéma prend les mauvaises habitudes de la littérature et je ne compte plus le nombre de fois où, en regardant un film, je me suis dit "mais qu'il est con" à propos d'un personnage.
Répondre
A
Alors au cinema, c'est bien pire, amha!