Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Fantasy d'ici et d'ailleurs

La diversité et l'intégration en fantasy: faites ce qu'on dit, pas ce qu'on fait

13 Décembre 2015 , Rédigé par Alex Evans

La diversité et l'intégration en fantasy: faites ce qu'on dit, pas ce qu'on fait

Attention, le blog déménage! à partir du 15 Octobre 2016, rendez-vous sur :

www.romansdefantasy.com

Un écrivain, c'est censé être un intellectuel. Il est encore à la mode pour la plupart des auteurs de fantasy d'être plus ou moins "de gauche" de fustiger le système capitaliste, toujours injuste avec les artistes et de critiquer les clichés, le racisme et la discrimination. Et dans les romans de SFFF? Ils déplorent bien haut le manque de "diversité ethnique" comme diraient les anglo-saxons. Pourtant quand on parcourt les œuvres de la plupart de ces auteurs, on se dit qu'un électeur du FN pourrait les lire sans rougir: à l'exception des scènes de sexe (des plus conventionnelles) et l'homosexualité, très à la mode en ce moment, les humains y sont représentés sous un jour des plus conservateur.

- D'abord, la plupart des romans d'urban fantasy ou de fantastique actuels, même d'auteurs francophones, se passent soit en France, soit aux US.

- Quand il s'agit de fantasy classique, ça se passe 3 fois sur 4 dans un univers qui ressemble fortement au Moyen-âge féodal de l'Ouest de l'Europe. Attention: pas de l'Est, ni du Nord, ni du Sud, mais bien de cette petite région du monde qui comprend, en gros, la France, l'Angleterre, l'Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, une partie de l'Espagne et de l'Allemagne.

- Les héros ont des noms anglophones, ou bien de chez nous (exceptionnellement grecs, nordiques ou inventés).

- Que ce soit en SFFF anglo-saxonne ou française, combien de personnage principaux "non-blancs" pouvez-vous citer sur les romans de ces dix dernières années? Je parie qu'il y en avait plus dans les années 60 aux États-Unis!

Or, pourquoi dans une société futuriste mondiale un perso s'appellerait-il forcément John ou Gérard et pas Saïd ou Thabo? Si une jeune femme tombe sur un vampire affamé dans un lieu désert, sa réaction sera-t-elle différente si elle s'appelle Aïcha Ben Ahmed, Élodie Dupont ou Kate Smith? Dans les trois cas, elle prendra ses jambes à son cou, sauf si elle est une tueuse de vampire, mais ça, c'est un job, pas une origine ethnique. À moins que pour vous, tueur de vampire ne soit un emploi réservé à certaines ethnies. Il va vous falloir expliquer pourquoi... Perso, je verrais bien les habitants d'un petit village du fin fond de la Roumanie, mais ils ne risquent pas de s'appeler Élodie Dupont, ni même Kate Smith...

De même quand on regarde les professions des héros en urban fantasy, à part policier et les métiers surnaturels genre sorcier, ils ont des jobs des plus conventionnels. Les femmes exercent à 90% des professions "féminines", voire ne travaillent pas du tout et attendent de se marier.

Bref, on cherche l'évasion, on tombe sur un univers petit-bourgeois conventionnel qui a au moins vingt ans de retard sur le monde réel.

Enfin, quand les auteurs essayent de glisser des détails d'une autre civilisation, 9 fois sur 10, on tombe dans le cliché, par simple manque de documentation. La prochaine fois que vous voulez mettre en scène, disons du vaudou ou du chamanisme sibérien, essayez de vous documenter d'abord. Imaginez recevoir une lettre d'un lecteur réellement adepte du vaudou ou du chamanisme écrivant que votre description, c'est du carton-pâte!

"Mais si j'ai carrément un héros noir, mon roman ne va pas se vendre!" me direz-vous. C'est là qu'il va falloir définir pourquoi vous écrivez. Pour vous faire des sous? Pour exprimer votre philosophie de la vie? Éduquer le lecteur? Vous faire plaisir?

Deuxième réponse, tout aussi classique: "on n'écrit bien que sur ce qu'on connaît". Certes. Vous connaissez beaucoup de vampires, vous? Vous n'avez jamais voyagé plus loin que Barcelone, mais votre histoire se passe dans une petite ville américaine? Vous êtes une femme hétérosexuelle, mais votre intrigue contient une romance gay avec des scènes torrides? Vous vivez au 21ème siècle, mais votre histoire se passe au Moyen-âge? Vous avez déjà porté une armure? Participé à un combat à mort à l'épée? Bref, voilà la réponse la plus lamentable que l'on puisse donner quand on est auteur de fantasy.

Finalement, on se trouve face à un paradoxe: des auteurs qui déplorent tout haut le manque de diversité et l'abondance de clichés, mais en pratique, continuent à perpétuer cet état de fait. Qui aura le courage de ses opinions?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Perso, j'avoue que j'ai du mal à concevoir la fantasy sans un travail de documentation derrière: les grands auteurs, genre Martin, Tolkien ou même Pratchett et Howard ont un énorme travail de documentation derrière leurs romans. Il y a des choses qu'on pense sorties de leur imagination, mais en fait elles sortent des bouquins d'histoire ou autre! <br /> Commercialement, Voye'l a sorti une anthologie sur le bestiaire asiatique cette année et devrait en sortir une autre sur les légendes d'Afrique en 2016. Pas des nouvelles faciles à écrire, mais sans doute beaucoup moins de concurrence que pour une anthologie sur les vampires!<br /> Mes meilleurs voeux pour la nouvelle année!
Répondre
N
Moi, je me trouve plutôt dans le cas "je n'écris pas sur ce que je ne connais pas", mais je n'utilise cette excuse que pour les personnages d'origine arabe. En fait, j'ai pensé plusieurs fois à en intégrer un dans mon histoire, mais j'ai trop peur de tomber dans les clichés sur les musulmans. C'est d'ailleurs stupide de ma part, parce que dans une de mes histoires je n'ai pas hésité à mettre une vietnamienne, alors que je connais vachement moins de trucs sur la culture vietnamienne que sur la culture arabo-musulmane. Mais je pense que c'est parce qu'on parle énormément des arabes dans les médias, et que du coup j'ai trop peur de vexer les gens avec des clichés qu'on aura rabattu à la télévision. C'est pour ça aussi que mes romans qui se passent à notre époque se déroulent toujours dans une ville française, parce que c'est là que j'ai grandi, alors que si je voulais que ça se déroule en Afrique par exemple, cela me demanderait dix fois plus de travail avec les recherches, et qu'en plus si je veux des infos fiables faudrait carrément que j'aille là-bas, ce qui n'est pas dans mes moyens. Sinon, j'aurais trop peur de véhiculer les clichés sans mille fois rabattus. Je sais que c'est stupide, et je finirai probablement par franchir le cap un jour, mais pour le moment ça me bloque.<br /> Par contre, pour moi, cette excuse n'est valable que quand l'action est dans notre monde ou dans un monde qui se veut ressemblant à notre monde occidental à une certaine époque. Mais il y a aussi des auteurs qui créent des sociétés et des cultures à part entière, et là, je ne vois pas ce que ça changerait que tel personnage soit de telle ou telle couleur. Ce qui bloque pour moi dans les mondes contemporains, c'est de ne pas assez connaître leur culture, mais dans un monde totalement imaginaire, on crée nous-même la culture, et la couleur du personnage n'a rien à voir avec ça, donc peu importe. D'ailleurs, en ce moment, je travaille sur une histoire comme ça, avec une société imaginaire où les blancs sont largement minoritaires, et ça ne me dérange absolument pas, alors que j'aurais peur de dire des bêtises autrement.
Répondre
D
Réflexion très intéressante, qui est aussi applicable à la littérature plus généraliste, même si cette dernière ne prétend pas nous faire nous évader de la même manière que la SFFF.<br /> <br /> Après, la question que je me pose, c'est connaissons-nous en France la fantasy étrangère (et non anglo-saxonne) ? Celle-ci s'adapte peut-être aussi au pays où elle est écrite.
Répondre
A
Les fantasy que je connais à part l'anglophone sont la fantasy russe (raciste et sexiste, en général, le tout parfaitement assumé), indienne et japonaise. Ces deux dernières n'ont pas beaucoup de diversité non plus, pour ce que j'en vois, mais ni l'Inde, ni le Japon n'ont une grande population immigrée et surtout n'ont pas la prétention affichée de les intégrer!