La diversité et l'intégration en fantasy: faites ce qu'on dit, pas ce qu'on fait
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Un écrivain, c'est censé être un intellectuel. Il est encore à la mode pour la plupart des auteurs de fantasy d'être plus ou moins "de gauche" de fustiger le système capitaliste, toujours injuste avec les artistes et de critiquer les clichés, le racisme et la discrimination. Et dans les romans de SFFF? Ils déplorent bien haut le manque de "diversité ethnique" comme diraient les anglo-saxons. Pourtant quand on parcourt les œuvres de la plupart de ces auteurs, on se dit qu'un électeur du FN pourrait les lire sans rougir: à l'exception des scènes de sexe (des plus conventionnelles) et l'homosexualité, très à la mode en ce moment, les humains y sont représentés sous un jour des plus conservateur.
- D'abord, la plupart des romans d'urban fantasy ou de fantastique actuels, même d'auteurs francophones, se passent soit en France, soit aux US.
- Quand il s'agit de fantasy classique, ça se passe 3 fois sur 4 dans un univers qui ressemble fortement au Moyen-âge féodal de l'Ouest de l'Europe. Attention: pas de l'Est, ni du Nord, ni du Sud, mais bien de cette petite région du monde qui comprend, en gros, la France, l'Angleterre, l'Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, une partie de l'Espagne et de l'Allemagne.
- Les héros ont des noms anglophones, ou bien de chez nous (exceptionnellement grecs, nordiques ou inventés).
- Que ce soit en SFFF anglo-saxonne ou française, combien de personnage principaux "non-blancs" pouvez-vous citer sur les romans de ces dix dernières années? Je parie qu'il y en avait plus dans les années 60 aux États-Unis!
Or, pourquoi dans une société futuriste mondiale un perso s'appellerait-il forcément John ou Gérard et pas Saïd ou Thabo? Si une jeune femme tombe sur un vampire affamé dans un lieu désert, sa réaction sera-t-elle différente si elle s'appelle Aïcha Ben Ahmed, Élodie Dupont ou Kate Smith? Dans les trois cas, elle prendra ses jambes à son cou, sauf si elle est une tueuse de vampire, mais ça, c'est un job, pas une origine ethnique. À moins que pour vous, tueur de vampire ne soit un emploi réservé à certaines ethnies. Il va vous falloir expliquer pourquoi... Perso, je verrais bien les habitants d'un petit village du fin fond de la Roumanie, mais ils ne risquent pas de s'appeler Élodie Dupont, ni même Kate Smith...
De même quand on regarde les professions des héros en urban fantasy, à part policier et les métiers surnaturels genre sorcier, ils ont des jobs des plus conventionnels. Les femmes exercent à 90% des professions "féminines", voire ne travaillent pas du tout et attendent de se marier.
Bref, on cherche l'évasion, on tombe sur un univers petit-bourgeois conventionnel qui a au moins vingt ans de retard sur le monde réel.
Enfin, quand les auteurs essayent de glisser des détails d'une autre civilisation, 9 fois sur 10, on tombe dans le cliché, par simple manque de documentation. La prochaine fois que vous voulez mettre en scène, disons du vaudou ou du chamanisme sibérien, essayez de vous documenter d'abord. Imaginez recevoir une lettre d'un lecteur réellement adepte du vaudou ou du chamanisme écrivant que votre description, c'est du carton-pâte!
"Mais si j'ai carrément un héros noir, mon roman ne va pas se vendre!" me direz-vous. C'est là qu'il va falloir définir pourquoi vous écrivez. Pour vous faire des sous? Pour exprimer votre philosophie de la vie? Éduquer le lecteur? Vous faire plaisir?
Deuxième réponse, tout aussi classique: "on n'écrit bien que sur ce qu'on connaît". Certes. Vous connaissez beaucoup de vampires, vous? Vous n'avez jamais voyagé plus loin que Barcelone, mais votre histoire se passe dans une petite ville américaine? Vous êtes une femme hétérosexuelle, mais votre intrigue contient une romance gay avec des scènes torrides? Vous vivez au 21ème siècle, mais votre histoire se passe au Moyen-âge? Vous avez déjà porté une armure? Participé à un combat à mort à l'épée? Bref, voilà la réponse la plus lamentable que l'on puisse donner quand on est auteur de fantasy.
Finalement, on se trouve face à un paradoxe: des auteurs qui déplorent tout haut le manque de diversité et l'abondance de clichés, mais en pratique, continuent à perpétuer cet état de fait. Qui aura le courage de ses opinions?